La Marquise de Merteuil, la libertine

Il me semble que Les liaisons dangereuses, de Choderlos de Laclos, est une œuvre qui fait toujours partie du programme au Lycée : ce roman a marqué des générations et des générations de jeunes, certains la trouvant palpitante, d’autres ne se remettent pas de sa lenteur. Les Liaisons dangereuses sont pourtant un bijou de la littérature du 18ème siècle et relatent la relation épistolaire entre la Marquise de Merteuil et, entre autres, le Vicomte de Valmont. Elle séduit également la naïve Cécile de Volange, avant de la détruire…

La Marquise est très complexe : c’est une femme libérée, autoritaire et calculatrice, à une époque où les bons mœurs ne l’autorisaient pas forcément. C’est une femme ambivalente, d’un côté elle agit froidement et uniquement dans son propre intérêt, de l’autre, elle est parfois animée par une passion brûlante. D’un côté elle est raisonnable, de l’autre elle ne pense et n’agit qu’au service du Plaisir. Madame de Merteuil est veuve, alibi qui lui permet d’être volage en étant hors de tout soupçon d’un mari dont elle s’est affranchie. Elle ne croit pas en l’amour et son pouvoir dévastateur, mais surtout avilissant. Être sous le joug d’un homme ? Jamais ! L’amour n’est qu’une autre excuse pour les hommes d’exercer leur emprise sur les femmes.




Madame de Merteuil n’est pas la femme diabolique que l’on dépeint parfois. Même si elle a apprit tout seule à manipuler les esprits et à cacher ses faiblesses, elle reste avant tout une femme qui se comporte comme certains hommes de l’époque se comporteraient, tout simplement. Elle a choisi la voie du libertinage plutôt que la voie de la femme stéréotypée et soumise, et pour elle, il n’y avait pas d’autre solution.

Sa grande faiblesse, une trop forte estime d’elle-même finit cependant par la briser. Elle est parvenue pendant des années à tromper ses proches sur sa vraie nature libertine, mais ses agissements la rattrapent quand son correspondant et « pantin », le Vicomte de Valmont, qu’elle a sous-estimé, révèle toute leur correspondance à une troisième personne. Tout le monde la croyait vertueuse : sa réputation de libertine est dévoilée au grand jour. Déshonorée, elle ne peut que se retirer de la vie mondaine. Elle finit sa vie en Hollande, où elle agonise à cause de la petite vérole. L’auteur semble nous dire qu’il y a quand-même une justice : nos comportements néfastes seront toujours punis.

Cependant, même si cette fin est « classique », tout au long du roman, la Marquise veut révolutionner la condition de la femme à une époque où celles-ci étaient soumises. Elle dénonce l’éducation traditionnelle de ses contemporaines en se montrant en tant que femme forte, dominante et décidée. Elle use d’excès pour en contrer d’autres. La Marquise de Merteuil, une féministe ? Sans aucun doute !